Jérôme Tropini s'est reconverti berger sur la presqu'île de Fouras il y a deux ans. Son modèle économique repose principalement sur l'éco-pâturage, activité qui permet d'entretenir les "espaces verts" de manière douce, de préserver et régénérer la biodiversité et de créer des liens inattendus. Des races de moutons à sa reconversion en passant par une visite commentée riche en informations et anecdotes, nous partageons ces moments passés à ses côtés ce doux après-midi de mai. Reportage.
« Tu vois, là, j’ai planté des arbres : des noyers, des pommiers, des pruniers, des noisetiers. Et je me suis même fait un petit potager. Et tout à l’heure, je te parlais de mon village d’origine, ça s’appelle Sambuco, un petit village dans les Alpes du sud, en Italie. Et le sambuc, c’est le sureau. Et ça, c’est le drapeau du village, avec la croix occitane, puisqu’on parle l’occitan comme en Gascogne mais avec l'étoile qui représente la vallée italienne qui le différencie », nous explique Jérôme. Ça fait deux minutes que nous sommes arrivés sur l’un de ses terrains où pâturent une trentaine de moutons « landais » et à peine nous les a-t-il présentés que les histoires fusent. Tout est prétexte : la variété de noisetier de son territoire d’origine sur laquelle une célèbre marque de pâte à tartiner à fait main basse, les arbres qu’il « tétârise », le sureau capable de sauver la vie des moutons, les nichoirs à troglodytes qu’il a fabriqués, la parcelle qu’il a défrichée seul durant le Covid… Jérôme est un passionné qui s’intéresse à tout ce qui l’entoure et sait nous le rendre passionnant. Toutes ces histoires sont à découvrir dans le reportage vidéo.
On se couchera moins bèèèèèèèèètes...
En France, on compte environ 7 millions de têtes (moutons, brebis, boucs)
réparties en une cinquantaine de races.
Les moutons sont principalement élevés pour leur viande et leur lait,
le cuir et la laine étant peu rentables en France.
Sauvegarder les races (et en créer une nouvelle ?)
Pour les besoins de son activité d’éco-pâturage, qu’il propose aux entreprises et aux collectivités, Jérôme élève deux races de moutons bien spécifiques de la côté Atlantique (d'où son titre de "berger maritime"). Les « Landais », originaires des Landes où il a grandi, et les « Ouessant », originaires de l’île éponyme. Ces races sont particulièrement indiquées pour l’éco-pâturage car elles vivent dehors toute l’année, sont résistantes aux maladies et n’abîment pas les terrains où elles pâturent du fait de leur petite taille et légèreté. En particulier le mouton « Ouessant » qui mesure 50 centimètres. Deux races qui étaient menacées : « Je salue le travail des conservatoires, notamment le Conservatoire des Races d’Aquitaine d’avoir protégé la brebis landaise car elle allait disparaître. Et aussi le GEMO, le Groupement des Éleveurs de Moutons d’Ouessant, d’avoir protégé le petit mouton d’Ouessant car lui, il était complètement écarté : tout petit donc peu de viande, peu de laine, un seul agneau… ça n'intéresse pas dans l’agriculture. Heureusement, il y a des passionné·es qui l’ont gardé car il entretenait des villas, des châteaux en Bretagne et c’est comme ça qu’on a pu sauvegarder la race », explique Jérôme qui espère, pourquoi pas, opérer un croisement entre ces deux races pour en créer une troisième : la fourasine (du nom des habitant·es de Fouras).
Photo 1 : mouton landais ; photo 2 : mouton d'Ouessant
Un berger amoureux de la biodiversité
Jérôme a souhaité démarrer notre visite par une petite transhumance entre deux de ses parcelles qui se situent au milieu des marais. Des parcelles envahies de ronces qu’il a lui-même défrichées lors du Covid et où il s’attache à restaurer la biodiversité. Pour ce faire, il plante de nombreuses variétés d’arbres, dont des fruitiers, et en « tétârise » certains. Cette technique, réputée dans le marais Poitevin voisin d’une centaine de kilomètres, vise à réaliser des trognes en coupant les branches au niveau du tronc en hiver pour que des pousses naissent au printemps. « Quand c’est la canicule comme en 2022 et que tout est sec, tu donnes ça aux moutons, ils sont ravis. Et au bout de 10 ans, ça te fait des grosses buches, c’est parfait pour faire du feu. Et tu le recoupes tous les 10 ans. À la fin, ça te fait une grosse trogne et ce sont des endroits extraordinaires pour la biodiversité : pour les insectes, pour les oiseaux, pour les petits mammifères comme les écureuils, pour les chouettes… » C’est à ce moment précis qu’on a compris que Jérôme était plus qu’un berger, c’est un amoureux du vivant. En rejoignant le troupeau parti gambader au fond de sa parcelle, il s’arrête une nouvelle fois (pas la dernière !) : « Tu vois, quand je te dis « la biodiversité »… ça, c’est une orchidée « abeille », ou « bourdon », je ne veux pas dire de bêtises, tu vérifieras. Et s’il n’y avait pas de moutons, s’il n’y avait pas de pâturage ici, il n’y en aurait pas car les graminées dispersées l’auraient empêchée de pousser. »
L’éco-pâturage, un vecteur de lien social ?
Après de nouvelles histoires passionnantes sur la nourriture des moutons et les écotones riches en biodiversité, Jérôme rassemble son troupeau et, bien aidé par Talik, son jeune border collie de 17 mois encore en apprentissage mais à l’instinct « chien de berger » remarquable, se dirige vers une autre de ses parcelles où les landaises et landais vont pâturer quelques jours. Il nous embarque ensuite, à vélo (cargo, pour transporter ses équipements et Talik), vers une résidence de vacances qui lui a confié l’écôpaturage de certaines de ses parcelles depuis 2023. Une petite révolution selon Clémence, directrice de l’établissement : « Ici, on est étendus sur 8 hectares… les petits Ouessant adorent brouter l’herbe et, nous, on a beaucoup d’herbe alors on s’est dit qu’on avait quelque chose à faire avec Jérôme. […] Ça s’inscrit dans notre démarche RSE et aussi dans la recherche des vacanciers d’expériences, de nature. Nos petits vacanciers sont particulièrement ravis de rencontrer des moutons, parfois pour la première fois. […] Et on a eu le plaisir d’avoir des naissances. On a vu naître 4 ou 5 agneaux ce printemps, c’est trop mignon. » Les moutons vecteurs de bien-être et de lien social, c’est un discours qui revient souvent chez les client·es de Jérôme. Pour assurer l’entretien des espaces verts d’une maison de retraite à quelques kilomètres de là, il y a laissé quelques moutons en écopâturage. Des moutons très surveillés et appréciés par les pensionnaires qui n’ont pas tardé à recevoir la visite de l’école d’à côté lors d’une matinée riche en rencontres et échanges.
Pour écouter la première partie du reportage (c'est une expérience en soi !), c'est ici :
Dans la première partie de cet épisode, Jérôme nous a fait une visite commentée de ses parcelles riches en biodiversité et nous a conduits - à vélo - jusqu’à une résidence de vacances où pâturent quelques uns de ses moutons. Dans cette seconde partie de l’épisode, nous nous sommes posés au milieu de l’une de ses parcelles pour une discussion davantage tournée vers son parcours, les qualités qu’il faut pour être berger, le lien social généré par son activité principale qu’est l’éco-pâturage, ses envies de transmission et du rapport avec son chien Talik. Sans oublier les moutons… qui nous entouraient au moment de l’entretien.
Objectifs de développement durable en lien :
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