Depuis 2010, à une trentaine de kilomètres de La Rochelle, au Thou précisément, Emmanuel pratique une agriculture biologique pour nourrir les humains dans sa Ferme du Mont d'Or. Loin de se contenter de répondre à un cahier des charges, Emmanuel essaye d’être le plus vertueux possible : restauration de la biodiversité, vente en direct et en circuits courts, ouverture de sa ferme au public, sensibilisation des acteurs de l’agro-alimentaire à la transition agro-écologique… Au début de l’automne dernier, un doux matin ensoleillé, il nous a fait l’honneur de nous accorder une heure d’entretien, pour parler de son métier… PODCAST EN FIN D'ARTICLE.
Emmanuel est paysan.
Pas agriculteur ni céréalier,
termes généralistes
qui disent finalement peu du métier
ou sa façon de l’exercer ;
encore moins un « exploitant agricole »,
catégorie socio-professionnelle
en vigueur dans la nomenclature
des ministères, en particulier de l’agriculture,
vocable qu’il exècre un peu :
« Je me sens tout simplement paysan.
Parce que le paysan,
il s’inscrit
dans le paysage,
dans le pays.
Il se nourrit des interactions fortes
avec le territoire,
ses populations,
la biodiversité…
Et je tends vers l’idée de
moins exploiter :
le sol,
les êtres humains,
ma personne… »
Emmanuel est paysan.
Qui a pour ambition de
nourrir les humains !
Quoi ?
Il y a des paysans qui
ne nourrissent pas les humains ?
Ah… vaste chapitre
du modèle agricole dominant…
que nous n’aborderons pas ici
(pour ultérieurement mieux y revenir).
Pour nourrir les humains,
Emmanuel cultive,
sur 100 hectares,
enfin pas tout à fait mais on y reviendra,
des blés anciens
qui alimentent une boulangerie artisanale locale,
une orge ancienne de l’île de Ré
qui sert à une brasserie pour faire de la bière locale,
du sarrasin qui, en circuit ultra-court et « sur-place »
sert à faire les galettes, entre autres, du Collectif l’éMoi en Nous,
du seigle,
du petit épeautre et du grand épeautre
pour faire du pain et de la farine,
du thym pour faire de la tisane bio,
du tournesol et de la capeline pour faire de l’huile,
des lentilles…
Le tout vendu en circuit court
à l’échelle locale
quand c’est possible
puis à l’échelle nationale
quand les débouchés locaux sont insuffisants,
toujours auprès d’acteurs
respectueux de l’environnement :
la Corab par exemple,
une coopérative de producteurs bio depuis 1998.
Emmanuel cultive donc
plus d’une dizaine de variétés.
Pas inutile
pour s’adapter
aux aléas climatiques
qui devraient s’intensifier.
La diversité,
clé de la résilience ?
Sûrement.
La biodiversité aussi !
Emmanuel est paysan.
(Re)constructeur.
Quand on a dit
qu’il cultivait
sur 100 hectares,
on n’a pas précisé
qu’une dizaine d’hectares
étaient dédiés
à la restauration de la « nature » :
haies,
bandes enherbées
et bientôt un cortège de mares
parsèment la ferme.
Un kilomètre planté chaque année
depuis 14 ans
avec l’aide de bénévoles :
« Je pourrais le faire tout seul
dans mon coin
mais ça irait moins vite
et ça n’aurait pas de sens pour moi ».
Résultat ?
Le partenariat nature-culture
est naturellement bénéfique
à l’ensemble du vivant
dont l’humain n’est qu’un maillon de la chaîne.
La vie revient alors toute seule
et assez vite, même.
« La première année, il y avait de la vie
et en deux ans, la vie est revenue à son optimum »,
précise Emmanuel.
Avec quelques belles surprises,
en particulier du côté de la mare :
des Martin-pêcheur
des tritons
des grenouilles
et autres amphibiens divers et variés…
Et ce phénomène vertueux
voit fleurir dans les espaces « renaturés »
par l’humain
des espèces qu’il n’y a pas mise :
« On voit pousser des arbres pionniers dans la région
qu’on n’a pas plantés
comme
le frêne,
l’érable
et dont les graines ont été acheminées
par les oiseaux ».
Ça nous rappelle Ferrat, qui chantait :
« Un oiseau qui fait la roue
sur un arbre déjà roux
et son cri par dessus tout,
que c'est beau,
c'est beau la vie. »
En l’espèce, oui !
Emmanuel est paysan.
Solidaire.
Il y a quelques années,
il a accepté d’héberger,
sur quelque cinq hectares de sa ferme,
l’association Arozoaar,
membre du réseau Jardins de Cocagne,
qui agit dans le domaine de l’insertion professionnelle
par le prisme du maraîchage biologique
(dont on vous parlera dans les semaines à venir).
Association avec laquelle
il crée évidemment des synergies
comme la fourniture de farines
à sa boulangerie.
Emmanuel est paysan.
Ouvert.
D’ailleurs, il trouve que le mot « ferme »
n’est pas très heureux.
Il lui préfère le mot « ouverture ».
C’est donc tout naturellement
que la ferme est devenue
le camp de base
du collectif l’éMoi en Nous,
qui entend faire vivre
les valeurs écologiques et humanistes
qui l’animent
en organisant des événements festifs
dans ce lieu poético-magique.
Week-end thématiques remplis
de chantiers participatifs,
jeux,
ateliers divers et variés,
marché de producteurs,
rencontres,
siestes,
concerts…
et de la désormais fameuse guinguette du Mont d’Or
où déguster, entre autres,
les tout aussi fameuses galettes du Mont d’Or
(réalisées avec le sarrasin de la ferme, souvenez-vous).
Vraiment, faites-y une halte,
le 27 avril prochain pour la projection-débat
autour du film "La théorie du boxeur" par exemple,
ça vaut toujours le coup !
Emmanuel est paysan.
Hyper vertueux,
vous l’aurez compris.
Bon !
Mais c’est une bonne situation, ça,
paysan agro-écologique ?
Bah, il y a des hauts et il y a débats
(surtout sur CNews)…
Mais comme on est entre gens sérieux,
on ne va pas généraliser.
Il se trouve que la situation d’Emmanuel
est hyper intéressante :
il a repris la ferme de son père en 2010.
Son père qui, si on a bien compris,
était un céréalier plutôt conventionnel
depuis plusieurs décennies.
Il y a donc matière à faire
des observations intéressantes
à territoire identique,
domaine de production identique
et pas de temps assez conséquents…
On ne vous en dira pas plus dans ces lignes
déjà bien longues,
la réponse est dans le podcast juste en dessous.
Vous y découvrirez plein d’autres infos :
des idées pour rendre le métier attractif,
comment les acteurs locaux s’organisent
pour développer des filières agro-alimentaires vertueuses,
des pistes pour adapter le modèle agricole
face au réchauffement climatique,
le futur enviable d'Emmanuel…
Une heure d’écoute passionnante.
(Bon, on n'est pas très objectifs
mais au contraire d'autres journalistes :
on l'assume ;-) !)
Pour conclure,
on ne sait pas si le futur enviable
que nous appelons de nos voeux adviendra
mais on est sûr qu’à la ferme du Mont d’Or,
le bonheur est présent.
Objectifs de développement durable en lien :
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